Le Vieux LYON au siècle de RABELAIS

Par le Dr Marc ISTIER

Marc ISTIER, passionné d'histoire, nous a bénévolement guidés dans le Vieux LYON par un dimanche ensoleillé.
Quand au fil des annecdotes la petite histoire rejoint la grande, c'est tout simplement succulent. Après nous avoir rappelé que la loi MALRAUX sauva en 1962 le Vieux LYON de la destruction et que son inscription au Patrimoine mondial de l'humanité en 1998 a constitué une carte de visite qui attire les touristes, nous partons pour 3 heures 30 de voyage.
Notre première étape est la Maison d'Henri IV, ancien hôtel de Claude PATERIN, sise au 4 de la rue Juiverie édifiée sous François Ier.
La petite histoire raconte que François Ier résidant chez le sire PATERIN séduit Bérangère PATERIN. Après le départ du Roi Claude PATERIN partit en Bourgogne indiquant alors que sa femme était partie se reposer. Ce n'est qu'en 1522 que l'on retrouva lors de la vente de l'hôtel particulier le corps de Bérangère.
La rue Juiverie (une population juive y vécut au moyen-âge et en fut expulsée en 1379) est constituée de maisons dont la plupart des façades comportent des fenêtres à meneaux,des portes avec des cariatides supportant des impostes, des lions et plusieurs blasons d'échevins lyonnais. Les Médicis y auraient séjournés au numéro 23 (Maison aux lions de Dugas.)
Notre deuxième étape devait être la Galerie Philibert DELORME mais celle-ci étant fermée nous poursuivons par La Loge du Change (nous passerons à la Galerie en fin de parcours.)
La Loge du Change ou Temple du Change (remanié au milieu du 18ème siècle par SOUFFLOT et affecté au culte protestant depuis 1803.)
C'est aux 14ème, 15ème et 16ème siècles que de nombreux actes royaux instaurèrent et confortèrent les foires à LYON (La première a été décidée en 1419, par Charles VII encore Dauphin, l'acte de Charles VII en 1444 accorda la troisième foire et Louis XI la quatrième en 1462.) Quatre fois par an (Les foires se tenaient aux rois, à Pâques, en août et à la Toussaint), quinze jours durant, les marchands trouvaient à LYON la liberté, rare et précieuse condition du commerce: secret des affaires, liberté des contrats, liberté des déplacements, exemption fiscale presque totale.
Ils y trouvaient aussi le crédit graces aux lettres de change (système importé par les banquiers et marchands italiens) remises lors des transactions. Ces lettres étaient dès lors acceptées en paiement des transactions sur les épices (épices disposés sur les volets rabattus des maisons de la place du change, d'ou l'expression "trié sur le volet") et les tissus. Souvent le quart et parfois plus de la moitié des transactions passant par LYON venaient d'Italie: Soie grége, soieries du Levant, velours de Gènes, taffetas et damas de Florence ou de Lucques.
Les marchandises partant de Lyon étaient surtout les tissus mais aussi des instruments de musique, de l'orfèvrerie, de la peinture, des armes, des poteries. L'autre grand commerce de Lyon était le papier imprimé. Les cartes à jouer de Lyon étaient exportées dans l'Europe entière.
Les marchands italiens avec leurs banquiers (Cosme de Médicis avait sa banque à Lyon en 1455) dominèrent à cette époque le commerce européen. Ils régnaient sur les foires de Lyon fixant les dates de paiement et les taux de change. Tout le fonctionnement du crédit dépendait d'eux.
Cette période a été à l'origine de la spéculation et de la bourse.
La plus ancienne maison serait la maison Thomassin avec un plafond du 13e siècle, réutilisé lors de sa reconstruction au 15e siècle et de son agrandissement au 17e siècle. Les armoiries de la famille figurent au-dessus des fenêtres du second étage. Une plaque sur la maison Thomassin indique que Claude fut conservateur des foires à la fin du 15e siècle et que son petit fils René fut le premier prévôt des marchands de Lyon en décembre 1595.
La troisième étape est l'Hôtel du Gouvernement situé au n°2 de la place du même nom.
Il a été construit à la fin du 15e siècle et nous pouvons observer la finesse de ses sculptures.Il faut remarquer la rampe taillée dans la pierre et le blason penché indiquant que la famille avait fait une croisade. Il se traverse par une des plus belles traboules de Lyon pour ressortir sur le quai Romain Rolland. L’hôtel du Gouvernement a été construit pour y installer le représentant du roi dans la ville. Le premier gouverneur de la ville a été Tanguy du Chastel, nommé en 1463. Louis XI a passé trois mois à l'hôtel du Gouvernement de mars à juillet 1476. Le roi Charles IX logea à l'hôtel du Gouvernement le 10 juin 1564 de même que Henri IV. Le comte de Sault à partir de 1512 et Mandelot dont nous reparlerons plus loin. C'est la période des guerres d'Italie avec les projets royaux de récupérer le royaume de Naples et le Milanais. Les différents papes appelèrent Charles VIII et Louis XII pour conquérir des territoires et se retournèrent contre eux dès leur arrivée.
François Ier vainqueur à Marignan (1515) vaincu à Pavie (1525) est fait prisonnier par Charles Quint.
Notre quatrième étape est la rue des Trois Maries
Elle débute rue de la Baleine et se termine rue du Palais de Justice.
Les Trois Maries, personnages importants de l'histoire target="_blank"biblique, Marie sa mère, Marie de Béthanie et Marie de Magdala ont entouré Jésus Christ. (à savoir :Marie est le prénom le plus porté en France.) En 1577 un Edit de Charles VIII, par précaution contre les contagions (syhilis, typhus, peste et "influenza"), fit chasser de la rue des Trois Maries (ancien nom rue Trésmonoy) les ribaudes et véroliers.
Ces maladies décimèrent la moitié des 50 000 habitants que comptait LYON à cette époque. Dans cette période l'Astrologie était souvent pratiquée par les astronomes, médecins, mathématiciens (Copernic, Galilée, Képler). Nostradamus publia à LYON un traité des confitures et des fardements (déjà une recette contre le vieillissement.) Les superstitions étaient courantes: "Mireurs d'urine" (premier test gynécologique ?) "Vinaigre des quatre voleurs" (que l'on trouve encore sur internet !)
La cinquième étape est la Maison-Miraboule de Guillaume LEROY
Le mot traboule semble venir du latin " trans " (à travers) et " ambulare " (marcher.)
La Miraboule est une traboule fermée c'est-à-dire une allée qui se termine dans une petite cour.
Au 52 de la rue Saint-Jean demeura Guillaume LEROY, maître imprimeur (il abandonne les caractères gothiques) élève de Barhélémy BUYER qui publia en 1473 le premier livre lyonnais. L'imprimerie lyonnaise se développa sous l'influence des imprimeurs allemands, avec le système du livre populaire miniaturisé c'est à dire de format réduit abondamment illustré de petits bois et tiré en éditions successives à un grand nombre d'exemplaires et qui eut un succès considérable dès le début du XVI ème siècle.
A ce titre le musée de l'imprimerie propose une collection de bois gravés datant en grande partie du XVIème siècle et qui illustrèrent de multiples éditions des figures de la Bible.
L'examen de ces bois, copiés sur l'illustration religieuse que Bernard SALOMON gravait pour Jean de TOURNES, montre qu'il existait à LYON une importante école de "tailleurs d'histoires" groupés autour de cet artiste.
De nombreux ateliers se créèrent à LYON (environ une centaine) parmi lesquels ceux de Sébastien GRYPHE ou Etienne DOLET.
La première grande grève ouvrière de l'histoire de France est organisée en 1539 (c'est le grand "tric" de l'allemand "streik" pour "grève") par les imprimeurs lyonnais et s'étendra à PARIS.
Dix ans plus tôt eut lieu la Grande Rebeyne (1529)(en langage lyonnais « rebeyne » se traduit par "émeute") provoquée par la cherté excessive du blé, alors que les impositions étaient particulièrement lourdes. Du 18 au 27 avril, la foule pilla le grenier municipal, les maisons des grands bourgeois et les riches demeures de l’abbaye de l’Isle-Barbe.
C'est en mai 1531 que l'Aumône naît de façon temporaire mise en place par les bourgeois de la ville. Par la suite elle sera généralisée et permanente pour venir en aide aux 5000 pauvres.
Notre sixième étape est la Maison du Chamarier (contraction de Chambellan et de Trésorier) aussi connue sous le nom d'hôtel d'Estaing.
Origine latine cameriarus, camérier, le terme « Chamarier » désigne l'intendant des finances de l'évêque de la cathédrale proche. Il possède en outre les clefs des portes de l'enceinte canoniale. À partir du XVe siècle le chamarier récolte les taxes perçues lors des foires.
La façade comportant des fenêtres sculptées de pilastres à fleurons est un exemple typique du mélange des styles gothique et Renaissance. Large cour avec entrée en forme de dais, tour et galeries. Puits dans la cour attribué à Philibert DELORME.
Les vestiges les plus anciens de la maison remontent au XIIIe siècle. Au cours des XIVe et XVe siècles, le bâti connaît quelques modifications, largement effacées par les restructurations de la période suivante. Il n'en reste que l’aménagement de l’accès de la rue Saint-Jean à la cour intérieure. La maison actuelle est l'un des rares bâtiments du XVe siècle conservé dans le Vieux Lyon, elle témoigne de la transition entre le style gothique flamboyant et la Renaissance. Dès 1496 (et jusqu'en 1516), de grands travaux de réorganisation de la parcelle sont lancés. Sur la base des maisons médiévales des XIIe et XIIIe siècles, à l’intérieur du cadre rigide fixé par le cloître, François d'Estaing, construit son habitation. Cet immeuble a été, à deux reprises, la résidence de la marquise de Sévigné à Lyon.
Ce grand dignitaire du chapitre de Saint-Jean (évêque de Rodez en 1529), détenant le titre de Chamarier, chanoine de la cathédrale était en charge de la sécurité, de la justice, de la voirie, de la police et de la perception des taxes pendant les foires.
Responsable du cloître, il détenait les clefs des six portes des fortifications de la ville.
L'entrée des Rois de France se faisait par la rue Porte Froc (actuellement rue de la Bombarde.)
La septième étape la Rue Mandelot et le jardin archéologique.
L'aménagement du jardin archéologique montre les vestiges du groupe épiscopal primitif de LYON dont en particulier l'église Saint-Etienne et l'église Sainte-Croix. On peut observer les restes de l'un des plus anciens baptistères paléochrétiens de Gaule dans la salle sud (petite salle carrée), datée des IVème/Vème siècles, les fondations et un arc de la nef Sainte-Croix.
Le plan octogonal du baptistère figure les sept jours de la semaine (et de la Création du monde) plus le jour de la Résurrection et de la Vie Éternelle. Le nombre huit symbolise aussi le passage d'un degré de réalité à un autre comme de la Terre au Ciel.
Rue Mandelot figure une plaque du témoignage d'un mari louant les mérites de son épouse.
Pour la huitième étape nous passons devant la cathédrale Saint-Jean
Elle est située place du même nom.
Ce sont les bourgeois qui dirigent la Cité mais les chanoines ont la main mise sur le quartier épiscopal.
François Mandelot enferma vainement 700 protestants au palais de Roanne, à l'archevêché et aux Jacobins pour tenter de les sauver mais ils furent massacrés et jetés à la Saône pendant les vêpres lyonnaises le 31 août et premier septembre 1572 (Saint-Barthélémy), dix ans après le sac de la ville par les troupes du baron des Adrets, sanguinaire et destructeur, (en 1562 les protestants du baron des Adrets firent une brèche dans le mur d'enceinte à l’ouest pour venir saccager les statues de la cathédrale.) Le chiffre commun des tués aurait été 800, d’autres se sont enfuit, d’autres encore sont allés à la messe.
Ce fut l'époque du relachement général, comme les bénédictines de Saint-Pierre, à l'image de celui des papes.
Neuvième étape rues Saint-Georges et du Doyenné
Elle tient son nom du Doyenné, résidence du doyen du chapitre de Saint Jean dont le logement était ici à l'emplacement de la gare des "ficelles".
Des mériers à tisser s'installent dans les échoppes et on remarque les "corbeaux" qui supportaient les poutres pour le séchage des étoffes teintes.
Courant XVe et XVIe siècles, l'habitat se densifie et s'organise ; Saint-Georges est alors le quartier populaire, celui des artisans du Vieux Lyon. Nautes et pêcheurs s'installent le long de la Saône, artisans, potiers, tulliers et ouvriers agricoles, le long de la colline. Le quartier s'articule autour de l'église Saint-Georges et de son cimetière.
Au XVIe siècle, le quartier devient le haut lieu de la soierie; cependant, la population demeure modeste et sans gros moyens financiers.
Notre dixième étape est la rue du Boeuf, doit son nom à la statue de Bœuf dans la niche qui fait l’angle avec la place Neuve Saint Jean.
Au cœur du Vieux Lyon, nous accédons par une allée voûtée d'ogives avec culs-de-lampe et clefs sculptés à une cour très dégagée où s'élève la tour Rose, bel exemple d'architecture de la Renaissance. Elle était appelée la maison du Crible, c’est-à-dire du collecteur d’impôts, qui passait au crible, ou au tamis, les finances des mauvais payeurs.
Il s'agit d'une tour en saillie avec escalier à vis et fenêtres en plein cintre.
Dans la cour un puits à coquille.
En 1562, un habitant a caché les reliques de la cathédrale dans son puits de la rue du Bœuf pour les préserver des velléités iconoclastes des protestants.
La dernière étape pour revenir à la Galerie Philibert DELORME (De l'ORME)
Dans cette cour, Philibert DELORME fut chargé par Antoine Bullioud de construire une liaison entre deux corps de bâtiments, pratique mais surtout, esthétique et représentative de sa position sociale.
Mais cela sans empiéter sur la cour assez petite et sans démolir le puits existant. Féru d'art antique, il s'inspira alors des monuments romains pour créer cettegalerie. Il conçut une loggia contrebutée par deux tourelles sur trompes qui renvoient les forces sur les murs latéraux et un seul pilier central.
GASTRONOMIE ET MEDECINE au siècle de RABELAIS
C'est l'époque d'Ambroise PARE: fils de paysans, ne connaissant pas le latin et le grec, il se forma sur les champs de bataille (extraction des balles d'arquebuses, sutures vasculaires, inventions et perfections de prothèses ...etc).
C'est le père de la chirurgie moderne.
Des modifications importantes apparaissent dans les festins princiers. On mange du gibier (cuit aux flammes du feu alors que le peuple mange la viande bouillie), les légumes font leur apparition de même que l'on consomme des fruits (de l'air) à la fin des repas.
C'est l'apothéose du sucré.
C'est aussi l'apparition des bonnes manières avec l'utilisation de la fourchette à deux dents, de la serviette de table et de l'assiette qui remplace petit à petit le "tranchoir".
Le tranchoir était la tranche de pain sur laquelle on disposait la viande et on partageait le tout avec son voisin, son compagnon de table.
L'origine du copain venant du compagnon qui partage le même pain.
Découvrez Saint-Jean et les TraboulesLe Vieux LYON